Le mouchoir et le virus

 

 

Dans la haute verticalité des tours de verre

Un grand chef regardait la courbe de ses ventes.

 

« Mais elles ne croissent pas

Et la crise nous hante

Serions-nous donc si las

Jusqu’à toucher la terre ? »

 

Il vendait des mouchoirs

Qui ne se vendaient plus

Et tout son frêle pouvoir

Vacillait, qui l’eut cru ?

 

De son bureau surplombant la cité

Il se mit à penser au futur, dépité

De la table à la chaise, il faisait les cent pas

Et se grattait la tête craintif de son trépas.

 

Puis un sourire joyeux

Accompagna sa marche

Il avait une idée

Impossible qu’elle ne marche.

 

Le marché des malades

Serait-il donc en panne ?

Il me faut des virus

Jetés dans la campagne

Où les gens se baladent

Qui les attaquent plus.

 

Il prit son téléphone

Appela un quidam

Qui était pharmacien

Sur la place de Paris.

 

« La nouvelle n’est pas bonne

Le trop beau macadam

N’attaque pas même les chiens

Et je suis donc maudit

Car nul homme n’éternue

Et moi je suis tout nu ! »

 

Le quidam soupira de son laboratoire aux milles éprouvettes.

 

« Mais j’ai la solution

Il nous faut un virus

Qui enrhume les gens

Et mes médicaments

Seront bien sûr trop lents.

Les mouchoirs de partout

Sortiront de mille poches

Et rempliront les bus.

Et les clients chétifs

Iront chercher chez vous

L’objet qui nous rapproche

En cet instant furtif. »

 

Et de mille éprouvettes

Sortit un bon virus

Le rhume se répandit

Le marché explosa

Le grand chef fit fortune

Et le quidam aussi.

 

Ils firent bien la fête dans les lieux les plus chics

Tout en rigolant bien de voir tant de gens

Autour d’eux affublés de bien grands beaux mouchoirs

Qu’ils sortaient sans cesse en train d’éternuer.

 

Mais le virus changea et devint très mortel

Les gens moururent en masse et la rue fut sinistre

Et le quidam lui-même en fut contaminé

Sa famille atterrée l’entoura tout en pleurs

Il voulut faire signe en son dernier instant

Il sortit son mouchoir et comprit son malheur.

 

L’homme est heureux des méfaits qu’il commet s’il en trouve avantage

Mais sait-il vraiment toujours où le mène cet outrage ?