2008 : la crise de l’anticapitalisme.

 

La crise actuelle n’est pas une crise du capitalisme au sens originel du mot. Ce n’est pas une crise de surproduction, de stocks invendables, mais au contraire c’est une crise du système qui s’est mis en place après la crise de 2001, le système anticapitaliste.

 

 

 

La crise que nous connaissons n’est pas la première que le système affronte. Nous pouvons dire que trois grandes crises ont eu lieu depuis les années soixante-dix :

 

*           La crise du capitalisme dans le milieu des années soixante-dix,

*           La crise du néocapitalisme dans les années deux mille,

*           La crise de l’anticapitalisme que nous connaissons actuellement.

 

Reprenons les choses dans l’ordre.

 

Dans les années soixante-dix, une crise structurelle grave a été catalysée (mais pas déclenchée) par la première crise du pétrole. A l’époque, nous sommes au cœur de ce que nous appelons aujourd’hui « les trente glorieuses ». Production massive de biens de consommation dans des unités fordiennes de grande concentration ouvrière, développement de la consommation à des catégories alors relativement pauvres, explosion de l’automobile. En terme de structure, ce sont des grandes entités qui dominent, le capitalisme industriel est florissant, les grandes entreprises créent du taux de profit à travers la production, et la vente, de biens matériels à grande échelle.

 

Survient alors la crise du pétrole, avec de fait augmentation des stocks, diminution des profits, création d’un niveau de chômage jamais envisagé auparavant. C’est de fait la crise du capitalisme classique qui ouvre une ère jamais refermée depuis.

 

La réponse à cette crise a été le développement, à partir des années quatre-vingt, d’un nouveau capitalisme, que l’on peut appeler « néocapitalisme », ou « turbocapitalisme », qui consistait à modifier structurellement le type de production en remplaçant la plus-value créée à partir des biens matériels par une plus-value créée à partir de la conception, ou de la qualité d’information transmise dans le bien (exemple un logiciel vendu par Bill Gates). Le produit vendu pouvait être virtuel, reproductible à l’infini, ou un bien matériel réel contenant des  produits sophistiqués. Parallèlement, la structure même des entreprises éclatait en  organismes plus petits établissant un réseau contracto-industriel complexe.

 

La crise de la bulle Internet de 2001 correspond à une crise de ce néo-capitalisme, dans la mesure où la création de plus-value sur des produits virtuels pouvait être problématique (comment créer de la valeur à partir d’un service gratuit, par exemple). Des mécanismes, soit par système payant, soit par la publicité, ont été mis en place, mais l’espoir de gains considérables s’est éloigné malgré tout.

 

La solution trouvée a été la financiarisation anticapitaliste. Il ne s’agit bien évidemment pas de révolutionnaires che guevaristes, ou besancenotiens, à Wall Street, mais de financiers qui font de la plus-value par la destruction du système industriel. Il faut comprendre « anticapitaliste » comme « antimatière ». C’est du capitalisme de la décroissance de la plus-value.

 

A partir des années 2000, les taux de profits des industries capitalistes, et même néocapitalistes, étaient devenus insuffisants. Un nouveau mécanisme a été mis en place qui consistait, tant que cela fonctionnait, à de créer de l’argent à partir de démantèlement des industries traditionnelles ou non. Un fonds d’investissement trouve une cible, une entreprise en difficulté, fait un emprunt, achète l’entreprise, restructure la dite entreprise en « rationalisant », c’est-à-dire en virant une part du personnel et la revend avec une plus-value confortable. C’est de l’anticapitalisme dans la mesure où le profit industriel ou néo-industriel se fait avec du personnel réel, et celui-ci diminue par la restructuration. La prise de valeur de l’entreprise n’est due qu’à un effet de diminution des déficits immédiats, en surexploitant le personnel restant, en réduisant les coûts jusqu’à la limite où la productivité s’effondre. Il s’agit bien entendu de vendre avant cet effondrement. C’est le dernier acheteur qui paye les pots cassés, en général en fermant l’entreprise en question.

 

La crise des « subprimes » joue dans la même sphère, celle au final des constructions destructives, où il s’agit de ne pas être le dernier. Et en l’occurrence, le dernier c’est l’état, donc l’ensemble des citoyens bernés !

 

Mais à partir de cette analyse, on peut voir plusieurs aspects :

 

*           Ce n’est pas fini, puisque les conséquences sur les entreprises industrielles et néo-industrielles sont à venir,

*           Il n’est pas possible de revenir en arrière, dans la mesure où à la fois le capitalisme classique et le néocapitalisme ont trouvé leurs limites,

*           Il est à craindre que les élites dominantes trouvent de nouveaux mécanismes pour continuer à créer du profit :

*          Soit comme on le voit actuellement en faisant payer les États,

*          Soit en trouvant de nouveaux moyens, par exemple en spéculant sur la rareté des matières non renouvelables, ce qui nous promet un avenir « heureux ».

*           Il est également à craindre que l’acceptation de ces choix se fasse dans des cadres de moins en moins démocratiques, ce qui est déjà en cours en France.

 

Il faut être lucide face à ce qui nous arrive,  ne pas paniquer, mais ne pas céder à l’angélisme en pensant que les élites dominantes font tout pour notre bien. Elles font tout pour leur bien, quoiqu’il en coûte pour nous.

 

Mais la démocratie, ce qu’il en reste encore aujourd’hui, peut nous permettre de les arrêter à temps, par la remise en œuvre de la République où le souverain n’est pas l’oligarchie décisionnelle, mais les citoyens conscients des possibles politiques, et maîtres de leurs décisions.

 

Remettre à plat le capitalisme signifie aussi cela, c’est-à-dire se poser la question de sa légitimité, de la façon des gérer, pour qui, par qui, de la relation capital-travail, de la liberté d’œuvrer en-dehors du système des entreprises, du droit au service public, de la juste répartition de la plus-value créée, de la structure fondamentalement non démocratique, archao-hiérarchique,  voire totalitaire, des entreprises, de la nécessité de croissance dans un univers aux ressources limitées. Si les mots ont un sens, ce serait, notamment,  cela. S’ils n’en ont pas, ce peut être n’importe quoi.

 

Remise à plat qui ne peut pas venir d’en haut étant transmis par les médias compatissants, mais qui viendra forcément d’en bas pour s’imposer aux élites qui abusent du système jusqu’à sa rupture.

 

Jean-Paul Foscarvel